lundi 13 février 2012

" L'angoisse du roi Salomon " Romain Gary


« Monsieur Salomon s'était arrêté devant une porte avec une plaque qui disait Madame Jolie voyante extra-lucide sur rendez-vous seulement, et il a sonné. J'ai d'abord essayé de croire qu'il venait se renseigner pour quelqu'un d'autre, mais non, pas du tout.
-Il paraît qu'elle ne se trompe jamais, dit-il. Nous allons bien voir. Je meurs de curiosité ! Oui, je suis vraiment très curieux de savoir ce qui m'attend.
Il en avait les joues roses.
Je restais là, gueule ouverte. Merde alors. C'est tout ce que j'arrivais à penser. Un mec de quatre-vingt-quatre piges qui va consulter une voyante pour qu'elle lui dise ce qui l'attend !... »
Mon avis :

Livre acheté d'occasion en très bon état, j'aurais néanmoins préféré avoir celui avec la belle couverture des Éditions Mercure de France.


On note sur cette couverture une vieille belle carte postale comme celles que le Roi Salomon collectionne comme pour revisiter le passé et se construire des histoires.

L'édition d'origine est au nom d’Émile Ajar et non de Romain Gary. Il faut dire que cet auteur est un auteur caméléon et qui selon ses livres ne signe pas le même nom : voir sur Wiki et une émission sur le site INA sur le mystère Gary - Ajar.

"Dans cette émission, le mystère AJAR est enfin éclairci : Romain GARY était bien l'auteur des livres signes Emile AJAR et c'est Paul PAVLOWITCH, petit cousin de Romain GARY, qui durant six ans a prêté sa personnalité à la création d'Ajar. Il publie "L'homme qu'on croyait" et s'explique sur ce livre d'aveu . Il estime que c'était à lui de faire cette révélation. Il évoque ses rapports privilégiés avec Romain GARY, dont il était "l'employé" et sa collaboration à cet exploit littéraire avec toutes les difficultés que cela a comporté pour lui.
Les invités, Michel TOURNIER, François BONDY, ami d'enfance de Romain GARY et Gérard MENDEL, psychanalyste, tentent de cerner le personnage et d'expliquer pourquoi à partir de 1974, GARY a publié des livres sous le pseudonyme d'Emile AJAR. Ils comparent les oeuvres de GARY et d'AJAR. Ils évoquent le suicide de GARY, qui a laissé un texte posthume. Bernard PIVOT en lit les derniers mots : "... je me suis bien amusé, au revoir et merci". Extrait d'un Apostrophes de juin 1975 avec Romain GARY. "

Ma découverte de Romain Gary a commencé en 2005 avec l'excellent "La vie devant soi " un livre que j'ai beaucoup aimé. Une belle histoire entre un petit garçon arabe Momo et une vieille dame juive Madame Rosa. 

Ils ont dit : "Tu es devenu fou à cause de celui que tu aimes."
J'ai dit : "La saveur de la vie n'est que pour les fous."

A l'époque j'avais déjà été surprise par le style de Romain Gary qui prenant comme narrateur Momo en adoptait alors le style et le verbe plutôt haut en couleurs. Ce roman reçut le prix Goncourt en 1975 sous le nom d’Émile Ajar.

Dans l'angoisse du roi Salomon le procédé stylistique est le même sauf que là c'est Jean qui prends la parole avec une gouaille et un style purement fantaisiste. Jean est un accro du dico. dans lequel il cherche toutes les solutions aux différents problèmes.
 "Je suis un fana des dictionnaires. C'est le seul endroit au monde où tout est expliqué et où ils ont la tranquillité d'esprit. Ils sont complètement sûrs de tout, là-dedans. "  

Monsieur Salomon est un vieux monsieur juif qui n'a pas envie de mourir et qui pour tromper son angoisse aide les autres par ses largesses (il a fait fortune dans le prêt à porter) et la création d'un centre d'appel téléphonique : S.O.S. 
Il va recruter Jean pour être son chauffeur et son livreur de cadeaux et aide en tout genre.

Jean est un jeune homme plein d’empathie pour les autres et Monsieur Salomon trouve en lui très certainement ce qu'il a été à son âge. Une belle histoire entre ces deux hommes là va se construire, une belle histoire d'amitié inter-générationnelle.

Il y a le personnage de Cora Lamenaire l'ancienne chanteuse, ex amour de Monsieur Salomon qui va être une femme qui compte dans la vie de ces deux hommes de manière très particulière.
"La chanson réaliste est un genre qui demande beaucoup de malheurs, parce c'est un genre populaire. C'était surtout à la mode au début du siècle, quand il n'y avait pas la sécurité sociale et qu'on mourait beaucoup de misère et de la poitrine, et l'amour avait beaucoup plus d'importance qu'aujourd'hui car il n'y avait ni la voiture, ni la télé, ni les vacances, et lorsqu'on était enfant du peuple, l'amour était tout ce qu'on pouvait avoir de bien."
 Il y a aussi des personnages secondaires assez sympas : Chuck, Tong, Aline et Monsieur Tapu entre autre.

" Chuck dit qu'avec l'humour juif, on peut même se faire arracher les dents sans douleur, c'est pourquoi les meilleurs dentistes sont juifs en Amérique. Selon lui, l'humour anglais n'est pas mal non plus comme arme d'autodéfense, c'est ce qu'on appelle les armes froides. l'humour anglais vous permet de rester un gentleman même quand on vous coupe les bras et les jambes, et que tout ce qui reste de vous c'est un gentleman. Chuck peut parle de l'humour pendant des heures parce que c'est un angoissé, lui aussi. "

Chukh énerve parfois Jean  :
" C'est lui. C'est lui. Il passe son temps à se branler sur moi. Tantôt il dit que je suis métaphysique, tantôt il dit que je suis historique, tantôt il dit que je suis hystérique, tantôt il dit que je suis névrotique, tantôt il dit que je suis sociologique, tantôt il dit que je suis clinique, tantôt il dit que je suis comique, tantôt il dit que je suis pathologique, tantôt il dit que je ne suis pas assez stoïque, tantôt il dit que je suis catholique, tantôt il dit que je suis mystique, tantôt il dit que je suis lyrique, tantôt il dit que je suis biologique et tantôt il ne dit rien parce qu'il a peur que je lui casse la gueule. "

Dans ce livre il y a avant tout, le temps qui passe, la vieillesse, la peur de la mort, la peur de l'oubli, mais aussi l'amour. 
" Quand on a aimé quelqu'un, il reste toujours quelque chose. "
 " Quand vous êtes heureux, ça donne de l'importance à la vie, et alors on a encore plus peur de mourir."
Quand on sait que Romain Gary se suicidera peu de temps après la sortie de ce livre on comprends le rapport angoissé que Gary avait par rapport à la vieillesse. Il ne souhaitait pas devenir vieux ...

Un peu finalement à l'inverse de Monsieur Salomon qui nous dit :
Je vous préviens que ça ne se passera pas comme ça. Il est exact que je viens d'avoir quatre-vingt-cinq ans. Mais de là à me croire nul et non avenu, il y a un pas que je vous ne permets pas de franchir. Il y a une chose que je tiens à vous dire. Je tiens à vous dire, mes jeunes amis, que je n'ai pas échappé aux nazis, pendant quatre ans, à la Gestapo, à la déportation, aux rafles pour le Vél' d'Hiv', aux chambres à gaz et à l'extermination pour me laisse faire par une quelconque mort dite naturelle de troisième ordre, sous de miteux prétextes physiologiques. Les meilleures ne sont pas parvenus à m'avoir, alors vous pensez qu'on ne m'aura pas par la routine. Je n'ai pas échappé à l'holocauste pour rien, mes petits amis. J'ai l'intention de vivre vieux, qu'on se le dise ! "

Pour finir je vous dirais que j'ai apprécié ce livre mais que celui ci souffre de quelques répétitions et qu'il m'a paru long à certains moment. Je n'arrivais plus à apprécier Jean et le style m'a apparu un peu lourd parfois ... Néanmoins dans l'ensemble, c'est un livre intéressant.

Je vous invite donc à le lire et si vous ne connaissez pas cet auteur 
je vous conseille de lire aussi et surtout le fabuleux  "La vie devant soi" 
que je garde précieusement pour occuper mes vieux jours.

A noter l'existence d'un challenge "Lire ou relire Romain Gary" chez Delphine's Book. 

Je vais noter cette lecture dans le cadre de ce challenge et voir si je n'en lis pas d'autre comme "La promesse de l'aube" qui me tente beaucoup. 


14 commentaires:

  1. Je prends un réel coup de vieux ;) car La vie devant soi... je l'ai découvert en... 1976... ouch !

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    1. J'avais alors 3 ans ... Et tu l'as lu à quel âge ?
      L'avais-tu aimé ?
      Bises ötli :-)

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  2. Justement j'ai envie de faire connaissance avec cet auteur, je pense que je vais choisir "la vie devant soi" !

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    1. Très bonne idée Enitram :-)
      Bisous et bonne lecture !

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  3. Passionnant! Merci Didi pour ce superbe billet!
    Un petit jeu t'attend chez moi seulement si cela te fait plaisir d'y participer.
    Bisous et très belle soirée ma Didi

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    1. Merci Kenza, Romain Gary mérite le détour.
      Je vais voir de ce pas ton jeu.
      Bisous et bonne soirée !

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  4. Une vie entourée de mystère pour ce romancier . Bises Didi

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  5. Un auteur que je vais certainement finir par lire ... La vie devant soi, Chien blanc, Les cerfs-volants (sur le nazisme)... J'avais acheté en terminal "Éducation européenne" et je n'ai jamais réussi à m'y mettre. Mais sur tes conseils, je commencerai par le plus célèbre.

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    1. La vie devant soi est un très beau livre je pense qu'il te plairait.
      Bises Lily :-)

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  6. Un auteur que je dois définitivement découvrir ! J'ai la vie devant soi dans ma PAL.... C'est un bon début !

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    1. Et tu as la vie devant toi ;-)
      Il est très bien j'en ai un bon souvenirs.
      Bises

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  7. Merci pour ce billet. désolée de réagir seulement maintenant, un peu débordée ces derniers temps ! En tout cas, merci pour ta participation au challenge et oui, je te conseille vivement La promesse de l'aube, pour en savoir plus sur la vie de cet auteur, hors norme

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    1. Bonjour Delphine :-) ne t'excuse pas pour ta visite tardive et merci de venir lire mon billet et pour le challenge sur cet auteur si intéressant ! Je renouvellerais sans aucun doute ma participation à ton challenge avec "Les promesses de l'aube" :-)
      J'espère que ton nouveau boulot te convient mais je n'en doute pas ;-)
      Bises et bon WE !

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